Étudiant 3712

Ceci est une réédition d’un texte provenant des archives d’Union Libre datant de 2013.
La dérive sécuritaire n’est ni un événement isolé, ni une réaction envers les graffitis de l’automne dernier et encore moins une conséquence malheureuse de la grève du printemps dernier. Elle doit plutôt être comprise comme s’inscrivant en continuité de la politique de contrôle social du Service de Prévention et Sécurité de l’UQAM, le SPS. En effet, l’instauration d'un climat sécuritaire à l’UQAM est structurelle et non conjoncturelle. Afin de rendre compte de cela, nous proposons d’analyser la question par un survol de la sécurité à l’UQAM dans les dernières années.
Débutons par la grève de 2008, où une action de perturbation fut organisée afin de défendre le droit de grève. La Commission des études de l’UQAM (CE) proposait de faire échouer ceux et celles qui ne se présenteraient pas aux prochains cours. En réponse à l’action, le droit de grève fut respecté, mais plusieurs exécutants de l’AFESH furent suspendus par un comité ad hoc de l’UQAM. Celui-ci chercha à rendre responsables des individus pour des actions collectives quand certains étaient en réunion officielle dans une autre ville. De plus, certains militant-e-s reçurent des accusations criminelles pour leur participation à la perturbation de la CE. La répression s’abattit sur ceux et celles qui refusèrent de voir leur effort et leur grève être sabordés par l’administration. Un autre exemple du climat de peur que le SPS utilisa pour briser la dissidence et la contestation est la grève des professeur-e-s. Le SPS engagea une firme de sécurité externe pour surveiller, ficher et suivre les militant-e-s afin de les intimider et de pouvoir prendre des mesures répressives par la suite.
Une autre transformation qui eut lieu à l’UQAM est la collaboration active avec le SPVM depuis 2008. À partir de ce moment-là, la police peut intervenir à tout moment sur le campus sans avoir à demander la permission à l’UQAM contrairement à auparavant. Les forces policières disposent aussi des plans de l’UQAM afin de faciliter leur intervention. L’université n’est alors plus le sanctuaire politique qu’elle était auparavant, si jamais elle le fut. De plus, on s’aperçoit que le SPS et le SPVM collaborent plus fréquemment comme le démontre le nombre élevé d’interventions de la police sur le campus durant la grève de 2008.
Lorsque la surveillance ne parvient à contrôler les étudiant-e-s, le SPS utilise la force brute. Au cours des dernières années plusieurs étudiant-e-s furent agressé-e-s par les agents de sécurité. En 2009, lors d’une levée de cours en histoire de l’art où les militant-e-s tentaient de faire respecter le mandat de grève, une quinzaine d’agent-e-s se massèrent autour de la salle de classe pour éviter contenir la situation et entraver la levée de cours. Lorsque la tension a monté d'un cran, un agent de sécurité a tenté de maîtriser physiquement une militante et il la blessa au poignet. Celle-ci chercha à porter plainte, mais elle comprit rapidement que si elle déposait une plainte, la sécurité déposerait des plaintes envers les camarades. Un autre exemple de l'utilisation de la force brute par un agent de sécurité de l'UQAM est survenu durant la grève de 2012 où une étudiante a été agressée en étant projetée au sol. On peut dès lors se questionner sur le mandat du SPS. Est-ce celui qu’il affiche sur son site internet , «le SPS contribue à l’amélioration des milieux d’étude et de travail» [1] ou son mandat ne serait-il pas d’être l’équivalent de la police au sein du campus à savoir le bras armé de l'administration?
Durant cette même grève, le SPS fit intervenir les forces policières pour mettre fin à une occupation du 2e étage du pavillon Aquin. Les 45 militant-e-s furent accusés, sous plusieurs chefs d'accusation, et ces personnes durent subirent un procès durant plusieurs mois. Durant la grève du printemps 2012, le SPS chercha par plusieurs moyens à casser la mobilisation sur le campus. Un des moyens employés qu'il employa fut de barrer les salles de classe afin que les étudiant-e-s n'ait pas accès aux locaux pour se réunir et qu'ils et elles ne puissent utiliser le matériel des salles de classe. En effet, les militant-e-s s'étaient réapproprié-e-s l'Agora afin d'en faire un espace de grève avec le mobilier des associations étudiantes et des salles de cours. Le contrôle de l'espace par le SPS est une tactique qui ne date pas de cette session avec l’emmurement du 2e étage du pavillon Aquin.
Ces différents évènements ne sont pas des cas isolés, mais plutôt la pointe de l'iceberg sécuritaire.
Les comportements des agents de sécurité font en sorte qu'ils et elles sont ceux et celles qui menacent la sérénité de la communauté uqamienne. Leur seule présence en vient à être une agression. L'administration de l'UQAM n'a-t-elle rien appris des erreurs de l'UdeM où les agents de sécurité ont institué un climat de terreur durant la grève du printemps dernier? Des professeur-e-s, des étudiant-e-s furent agressé à de nombreuses reprises et certain-e-s demeurent traumatisé-e-s par l'expérience. Certains agents ont forcé des professeur-e-s à donner leur cours, en allant les chercher dans leur bureau. « Le directeur de l'Institut d'urbanisme de la Faculté de l'aménagement de l'Université de Montréal a pour sa part accusé un agent de sécurité de l'établissement d'avoir « clairement intimidé » des enseignants du département mardi matin pour les contraindre à donner des cours, malgré l'absence d'étudiants dans les classes. »[2] De plus, le SPS ne peut pas continuer à resserrer l'étau du contrôle social sans que les actes d'insubordinations et de résistances se multiplient. Le SPS et l'UQAM devraient y penser deux fois avant d'agir. Car sinon ils risquent de se retrouver devant une situation bien pire encore. Dans plusieurs villes du monde, la vidéosurveillance est de plus en plus critiquée. Toutefois, les militant-e-s sont confronté-e-s à une dynamique complexe puisque se battre contre le fichage et les caméras par les canaux institutionnels est pratiquement impossible. Ainsi certaines personnes sont parfois tentées de se tourner vers des moyens non orthodoxes. Est-ce que l'administration et le SPS dans ce cas seraient plus avancés?
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2. http://www.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2012/04/18/001-udem-lettre-professeur.shtml, Mis à jour le mercredi 18 avril 2012 à 22 h 40 HAE
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