Depuis la création de la glorieuse ORC (Organisation Révolutionnaire Communiste), fondée au Pub St-Elizabeth, plusieurs critiques à son égard ont été faites. Nous pensons nécessaire de répondre à certaines de ces critiques.
« Les gens qui font des memes sont juste des personnes incapables d’écrire des textes critiques. »
Ah, mon cher Jean-Guy, tu as bien beau être révolutionnaire, mais tu oublies certains concepts fondamentaux des luttes de gauche. Malheureusement, les formes de critiques ce n’est pas comme un top 10 de Lama fâché : tu ne peux pas les hiérarchiser. Tu nous fais trop penser aux personnes qui catégorisent les bon-ne-s et mauvais-es militant-e-s, mais qu’on ne voit finalement jamais (comme par hasard) aux manifs¹. Utiliser la satire, l’art et toute autre forme d’expression n’est pas inférieur aux textes théoriques gigasourcés. À cet effet, pour les militant-e-s qui aiment tant la théorie et qui idéalisent les textes théoriques, nous vous conseillons de lire « The Science Question in Feminism » (1986) de Sarah G. Harding qui a théorisé comment le savoir expérimental est généralement associé aux femmes et aux cultures non occidentales et pourquoi il est historiquement dévalorisé par rapport au savoir académique/théorique, qui est considéré comme masculin et eurocentré. Le texte va même t’expliquer comment cette hiérarchie du savoir contribue à perpétuer les inégalités raciales et de genre (ce que les groupes révolutionnaires combattent). Tu pourrais même lire Bakounine, « Dieu et l’État » (1882) où notre bon vieil anarchiste dénonce la survalorisation du savoir académique (qui est pour lui déconnecté de la réalité concrète des luttes), au détriment du savoir expérientiel. En bref, si tu fais un meme qui critique la société ou le milieu militant et qui est zéro sourcé, c’est autant valide que le texte de Pauline qui a turbo sourcé. Bien entendu, les deux n’auront pas le même impact et ne rejoindront pas les mêmes personnes, mais c’est ça qui est beau dans la diversité des tactiques baby.
« Les critiques de l’ORC sont dépolitisantes. »
Pour mettre plus de contexte à cette critique, certaines personnes nous ont signalé qu’en soulevant seulement le négatif du milieu militant, cela décourageait les personnes qui s’impliquent ou qui souhaitent s’impliquer. Bien que cette critique semble à première vue bienveillante, elle est en réalité assez paradoxale. En effet, si nous passons rapidement en revue les excellentes publications de l’ORC, les critiques qui sont faites sont principalement orientées sur le fait que le milieu militant reproduit des oppressions qu’il dit combattre. Nous avons beaucoup de difficulté à croire que de ne pas souligner les angles morts ou les contradictions des groupes militants, soit la solution à la dépolitisation. Ce qui est réellement dépolitisant c’est comment nos milieux sont capacitistes², queerphobes³, virilistes⁴, coloniaux⁵ et comment ils stigmatisent les militant-e-s les poussant à partir. Encourager l’ORC à être plus positif d’une façon live, love, life, laugh est, selon nous, une façon d’entretenir la culture du silence et de l’inaction sur les enjeux internes d’oppression ou d’exclusion. De plus, l’ORC a constaté avec amusement que plusieurs individus militant dans des groupes qui n’étaient pas visés par certaines critiques se sont sentis interpellés. Comme quoi ce qui s’applique à certain-e-s s’applique aussi à des groupes insoupçonnés. Peut-être que les critiques de l’ORC s’appliquent à autant de groupes aussi diversifiés qu’ils soient dans les individus et pratiques, démontrant que le milieu militant de gauche a besoin d’une remise en question globale ? À l’ORC nous sommes d’avis que oui il y a des militant-e-s qui à titre d’individu alimentent les oppressions, mais que ce qui génère le plus de toxicité dépolitisante sont les dynamiques de groupe. Tu as beau ne pas être toxique, si tu défends, banalises, ou minimises les comportements douteux de tes ami-e-s camarades, tu contribues indirectement à la dépolitisation.
« Les gens qui critiquent les textes n’aiment juste pas lire. »
Lorsque l’ORC a commencé à critiquer la non-vulgarisation, jamais nous ne nous serions douté-e-s que le contre-argumentaire serait « vous n’aimez pas lire ». Comme si la théorie militante devait être une méritocratie. Pour rappel, la méritocratie est un système sociopolitique où le pouvoir et les avantages sont distribués en fonction du mérite individuel, souvent mesuré par des critères tels que le talent, le travail acharné et les réalisations personnelles. Comme si un texte moins vulgarisé avait plus de valeur, car nous avions pris le temps de le décortiquer et donc nous avions le mérite d’avoir travaillé fort à notre sainte émancipation intellectuelle. Aux personnes qui pensent ainsi, nous aimerions vous rappeler que la méritocratie c’est aussi :
Supposer que tout le monde commence sur un pied d’égalité en termes d’accès à l’éducation, aux opportunités, etc. Cependant, dans la réalité, les inégalités socio-économiques, raciales, de genre, et d’autres facteurs tels que la neurodivergence ou les troubles d’apprentissages, peuvent limiter l’accès au mérite. Par exemple, une personne issue d’un milieu défavorisé peut avoir moins de chances d’accéder à une éducation de qualité ou à des opportunités professionnelles, même si elle a le talent et a fourni le travail acharné nécessaire.
Subjectif, car la définition même du mérite peut être subjective et influencée par des facteurs tels que la culture dominante, les préjugés et les normes sociales. Par exemple, certaines compétences ou réalisations peuvent être plus valorisées que d’autres, ce qui peut exclure certains individus ou groupes de la reconnaissance et des opportunités même s’ils possèdent des compétences valables.
Une pression énorme pour réussir et une stigmatisation des échecs comme étant le résultat d’un manque de mérite ou d’action personnelle. Cela peut avoir des conséquences néfastes sur la santé mentale et le bien-être des individus, en particulier de jeunes militant-e-s, qui se sentent constamment évalué-e-s et jugé-e-s sur leurs performances.
Bien que les personnes encourageant la méritocratie militante sont marginales et que les groupes ayant reçu la critique de la vulgarisation font déjà un important travail afin de rendre la théorie plus accessible ou qui se sont améliorés depuis en termes de vulgarisation, il n’en demeure pas moins que de faire le raccourci entre désirs de vulgarisation pour rendre les textes plus accessibles et le fait de ne pas aimer lire est selon nous du mépris et une déconnexion avec la réalité des militant-e-s désirant réellement apprendre sans subir la masturbation intellectuelle de certain-e-s. Nous pourrions nous demander si la surcomplexification d’un texte agit comme un moyen de mystifier son insipidité.
En bref, fuck l’idéalisation des théories, fuck la culture du silence et fuck la méritocratie militante !
¹ Nous ne parlons pas ici des personnes qui ne peuvent pas participer à des manifs pour des conditions hors de leur contrôle.
² Le capacitisme ou validisme est un système de valeurs oppressif faisant de la personne dite « valide », sans handicap, la norme sociale.
³ Mépris, peur ou haine ressentis à l’égard des personnes ayant une orientation sexuelle, une expression de genre ou un genre hors norme, ou envers la communauté queer, menant à de la discrimination ou à des actes d’hostilité envers elles.
⁴ Le terme « viriliste » désigne une personne ou une idéologie qui promeut ou valorise les caractéristiques traditionnellement associées à la virilité. Ces caractéristiques incluent souvent la force physique, le courage, l’assertivité, la domination, et parfois même la brutalité ou l’agressivité. Le virilisme peut être exprimé à travers des attitudes, des comportements, des discours ou des politiques qui glorifient ou renforcent ces attributs masculins, souvent au détriment d’autres valeurs telles que l’empathie, la sensibilité, ou l’égalité entre les genres. Le virilisme peut être observé dans divers contextes, tels que la politique, la culture populaire, ou les normes sociales.
⁵ Le terme « coloniaux » décrit les politiques, les attitudes, les structures sociales et les idéologies qui soutiennent ou justifient la colonisation. Ces attitudes peuvent inclure le racisme, le paternalisme, la supériorité culturelle, et d’autres formes de discrimination envers les peuples autochtones ou les populations colonisées. En outre, le terme peut également être employé pour désigner des œuvres littéraires, artistiques ou académiques qui reflètent ou perpétuent ces attitudes coloniales.
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