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  • Anonymes

Réponse à « Du dogmatisme au harcèlement »



Nous sommes des personnes impliquées au sein de la lutte pour la justice climatique et sociale qui avons fait/faisons actuellement partie de XRY et de la CEVES, et nous rédigeons cet article pour contester le texte « Du dogmatisme au harcèlement »¹. Hormis plusieurs erreurs et incohérences factuelles, celui-ci révèle le flagrant manque d’introspection lié aux enjeux anti-oppressifs omniprésent chez certaines personnes qui se proclament de gauche.


Nous reconnaissons que XRY n’a évidemment pas été un groupe parfait. En effet, plusieurs personnes QTBPOC ont travaillé sans relâche pendant longtemps pour rendre cet espace le plus bienveillant possible pour les personnes issues des communautés dites marginalisées et qui sont donc les plus affectées par les injustices climatiques. Par ailleurs, il y a certainement eu du harcèlement et des conflits, comme le dénonce le texte, mais ceux-ci étaient engendrés par la perpétuation des dynamiques de pouvoir et de discrimination répliquées à l’intérieur du mouvement et non pas en raison de la création d’un « noyau dur » qui rejetait les gens avec des opinions différentes. Se dire victimisé-e parce que ses comportements inacceptables ont été dénoncés ne témoigne aucunement d’un engagement sérieux envers les principes d’anti-oppression et de justice climatique.


Plusieurs instances de discrimination ont eu lieu au sein de nos espaces. Notamment, des personnes blanches ont dit subir du racisme inversé après avoir demandé aux personnes racisées si elles les trouvaient racistes et avoir reçu une réponse affirmative. Il y avait également certain-e-s qui prétendaient que XRY devrait « accepter les personnes avec les opinions différentes [en parlant des personnes de l’extrême-droite] autant qu’il accepte les personnes de races différentes », ce qui explicite une fausse équivalence entre l’identité des personnes issues des communautés traditionnellement marginalisées et les idéologies de l’extrême-droite. Certains provoquaient également des crises de panique chez les autres en exploitant leurs traumatismes liés à la brutalité policière et à la violence genrée.


Les tentatives de pratiquer la réconciliation communautaire et la justice transformatrice ont échoué à répétition en raison du refus des personnes concernées de se responsabiliser pour leurs comportements. Prétendre que le groupe excluait certaines personnes « dès qu’elles ne pensent pas comme les autres » est une représentation complètement malhonnête de la réalité et méprise surtout les efforts d’éducation et de sensibilisation que plusieurs personnes QTBPOC ont fait pour faire passer le message que la justice climatique est impossible sans la justice sociale.


Il est bien entendu que tout le monde peut commettre des erreurs de manière inconsciente et accidentelle. Tout le monde peut avoir des préjugés et des angles morts, et agir d’une manière qui fait du mal aux autres en conséquence. Le problème survient lorsque l’on refuse d’écouter les personnes lésées par nos propos et continue à les répéter pour choquer les autres de manière intentionnelle. Choisir expressément de ne pas reconnaître la dignité et les vécus expérientiels des personnes aux identités marginalisées perpétue les systèmes oppressifs institutionnels à l’échelle interpersonnelle, en plus de rendre nos espaces dangereux et inaccessibles pour elles. Il y a une différence entre les erreurs de bonne foi et les propos blessants tenus de manière délibérée sans aucune introspection ; les incidents nommés plus haut témoignent manifestement de ce dernier.


Accuser les gens de « diviser la gauche » dès qu’ils soulèvent le manque d’intersectionnalité au sein des espaces militants entretient le faux dilemme selon lequel les personnes QTBPOC doivent éviter de dénoncer ces problèmes pour préserver la fragilité des personnes plus privilégiées et ainsi, contribuer à leur propre oppression par le silence. Une opinion discriminatoire ne peut être normalisée au bénéfice du confort et de l’ignorance. Le maintien des structures de pouvoir dépendant du déni de l’existence des problématiques de discrimination, nous devrions être capables de discuter des problèmes auxquels les personnes les plus marginalisées par le système font face sans se mettre sur la défensive.


En somme, les groupes militants au sein d’une société capitaliste, colonialiste et patriarcale intériorisent souvent les dynamiques de pouvoir et tendent à les reproduire à l’interne. La gauche n’en est pas une exception ; ces espaces sont des microcosmes de notre société et nous nous devons de démanteler ces systèmes d’oppression, autant à l’intérieur de nos mouvements qu’à l’extérieur. Nul compromis ne peut être négocié aux dépens de la sécurité et du bien-être des militant-es aux identités marginalisées. La vraie productivité d’un mouvement se centre sur sa capacité à écouter les personnes QTBPOC et à répondre aux critiques par des actions concrètes et rapides, et non pas sur la résistance réactionnaire des membres plus privilégiés qui refusent d’intégrer les pratiques anti-oppressives à leur militantisme. Pas de justice climatique sans justice sociale et pas de justice sociale sans écouter les personnes les plus affectées par les systèmes oppressifs !



¹ Anonyme, « Du dogmatisme au harcèlement », Union Libre, vol. 11, no 1, novembre 2022, p. 13‑15.



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