Les événements de 2012 ont été largement analysés pour comprendre leurs singularités dans un contexte de dépolitisation toujours plus grandissant au Québec. L’une des questions principales entourant les luttes du printemps érable est de savoir si le mouvement était légitime ou non, et ce malgré les injonctions des tribunaux.
C’est ce que Jean Mathieu décortique dans son texte de 2014, L’autopsie d’une crise de légitimité : La grève étudiante de 2012 et l’État1. En effet, dans son texte, Mathieu nous explique qu’il y a deux formes de juridiques. Il y a le monisme et le pluralisme juridique. Le monisme se résume à ce qu’un seul-e acteur/actrice —, dans le cas de 2012, le gouvernement, — possède le contrôle et monopole de l’appareil judiciaire. À l’inverse, le pluralisme est que plusieurs acteurs/actrices possèdent le pouvoir d’influencer cette institution extrêmement importante. Dans les événements de 2012, les associations étudiantes faisaient preuve de pluralisme juridique en utilisant différents moyens pour contrer le gouvernement dans leur monopole de l’appareil juridique. La légitimité des associations de surpasser l’autorité gouvernementale peut s’expliquer par deux arguments que l’auteur a soulignés dans son texte.
Tout d’abord, les associations étudiantes faisant preuve de pluralisme offrent une sorte de concurrence à l’État. Cette concurrence empêche la centralisation du pouvoir. Comme nous explique l’auteur, les différents groupes sociaux, tels que les étudiant-e-s, créent un sentiment d’apparence « et des obligations […] dont le non-respect provoque des réactions de la part du groupe pour forcer le respect de ses normes »2.
Donc, on y voit une forme d’autorégulation interne des associations étudiantes, ce qui ne se trouve pas dans le gouvernement. D’autant plus que le mouvement étudiant se réclamait beaucoup plus pour le bien commun avec l’argumentaire bien bâti centré sur l’accessibilité à l’éducation.
Il est aussi important de se rappeler, comme l’a mentionné Jean Mathieu, que les médias ont joué un rôle très important dans la diabolisation du mouvement étudiant. Il nous explique que les médias ont contribué de façon significative dans la délégitimation des revendications étudiantes de 2012, et ce, en « dénonçant la violence étudiante, tout en refusant généralement de remettre en question […] une violence policière pourtant plus intense »3.
Le deuxième argument serait que bien que le mode de fonctionnement des associations étudiantes et les élections gouvernementales soient tous les deux les fruits de la démocratie, leur légitimité est à bien des égards totalement différente.
En effet, les associations étudiantes utilisent le même principe démocratique qu’à l’époque de l’Antiquité grecque. En d’autres mots, la démocratie directe.
Revenons brièvement sur le concept de démocratie directe pour faciliter cet argumentaire. La démocratie directe se définirait comme l’exercice du pouvoir sans représentant-e-s/intermédiaires. Il est important de noter que les associations étudiantes ont bel et bien des représentant-e-s, mais seulement à titre d’exécutant-e-s. Donc, ils exercent ce que l’assemblé générale (les membres) décide. Ceci offre une transparence que le gouvernement n’offre pas avec la démocratie du style parlementaire. De plus, il n’est pas possible pour une non-élue de voter à l’assemblée même s’il est citoyen.
Dès lors, il est clair qu’une assemblée générale d’étudiant-e-s pratiquant une démocratie directe pour lutter contre la hausse des frais de scolarité semble plus légitime que des individus, élus tous les quatre ans, décidant d’augmenter les frais de scolarité sans consultation citoyenne.
Autre point intéressant sur la légitimité qu’offre la démocratie directe est qu’avec ce type de démocratie cela fait en sorte que la prise de décisions prend en compte beaucoup plus de points de vue et de perspectives. Effectivement, « c’est un fait connu et établi mondialement que les femmes sont moins nombreuses que les hommes à occuper un poste électif »4. « Le Québec ne se soustrait pas à l’existence d’une forme de “tamis social” qui favorise certains profils d’individus dans la hiérarchie du pouvoir. »5 Toutefois, comme il a été dit précédemment, chaque membre a le droit de parole et vote. Donc, les femmes sont beaucoup mieux représentées dans les associations étudiantes que par leur gouvernement provincial, car chacune d’entre elles peut s’exprimer et voter pour une décision. Il en va de même pour les minorités visibles qui sont souvent sous-représentées dans le gouvernement québécois.
En conclusion, le pluralisme juridique qu’ont offert les associations étudiantes en 2012 a établi une véritable critique du monopole juridique que l’État a fait.
De par ce fait et de par leur démocratie directe qui offre une meilleure représentativité, transparence et inclusions, les associations étudiantes ont prouvé leur légitimité.
1. Jean Mathieu, L’autopsie d’une crise de légitimité : la grève étudiante de 2012 et l’État (Québec), Les Cahiers de Droit, Vol. 55, No. 2, p.417-442
2. Ibid., p. 421.
3. Ibid., p. 430.
4. Magali Paquin, Un portrait des députés québécois élus en 2003, 2007 et 2008. Politique et Sociétés, 2010, vol. 29, no 3, p. 21-37, p. 29.
5. Ibid., p. 36.
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