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Rémi Grenier

Pour l’amour du journalisme

Dernière mise à jour : 10 avr.


 

Tout en entamant sa campagne « pour l’amour du journalisme » qui a pour but de récolter des fonds pour l'achat de matériel audiovisuel qui leur permettra de diversifier les médias pour informer les étudiant-e-s[1]de l’UQAM, le Montréal Campus (MC) a accusé les associations étudiantes de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) dans leur article, « De rien, camarades »[2], de critiquer le MC. Le MC soutient que leur journal offre du contenu de qualité, mais qu’en est-il vraiment?


Le 1er décembre 2023, sort l’édition papier du MC avec comme page couverture une référence à l'article de Naomie Duckett Zamor et Charles Séguin, « Outil démocratique ou machine à grève ? »[3]. En interrogeant les exécutant-e-s qui avaient été interviewé-e-s, nous découvrons que les deux étudiant-e-s en journalisme au MC n'avaient que très peu abordé la question du quorum, qui est le cœur même de leur article, et que plusieurs informations importantes qui avaient été données ne sont pas parues dans l’article. Notamment que bien que le quorum soit entre 0,7 % et 2 %, dépendamment des associations facultaires, le nombre de membres présent-e-s lors des assemblées générales de grève dépasse presque systématiquement le quorum minimum.









Comme nous pouvons le voir sur les deux photos prises lors de l’assemblée générale de grève de l’Association facultaire étudiante des arts (AFEA) et celle de l’Association facultaire étudiante des sciences humaines (AFESH) en novembre 2022, bien que ces deux associations étudiantes aient un quorum de 1 %, celui-ci est largement dépassé.


En interrogeant des étudiant-e-s en éducation qui participent aux assemblées de l’Association des étudiant-e-s de la faculté des sciences de l’éducation (ADEESE), plusieurs témoignent que dans les assemblées générales de grève à l’ADEESE, on retrouve généralement entre 200 et 400 étudiant-e-s dans la salle pour voter sur le déclenchement ou non d’une grève. Le tout est corroboré par plusieurs procès-verbaux d’assemblée générale de grève tels que celui du 27 novembre 2023[4] où 237 personnes ont voté, ou encore celui du 11 novembre 2022[5] avec 669 étudiant-e-s. L’ADEESE doit même parfois louer une ou plusieurs salles payantes puisque les locaux mis à la disposition gratuitement par l’UQAM ne permettent pas d'accueillir autant d’étudiant-e-s pour leurs assemblées générales de grève. Il arrive même que les associations étudiantes facultaires doivent ouvrir deux salles lors des assemblées de grève. Ce fut notamment le cas de l’Association facultaire étudiante de science politique et droit (AFESPED) en décembre 2023, lors de son assemblée générale de grève ou presque 25 % des membres étaient présent-e-s physiquement ou en ligne. L'exécutif de l’AFESPED a dû ouvrir une deuxième salle, puisque le Service à la vie étudiante de l’UQAM avait refusé de leur donner accès à un auditorium malgré leur demande.

 

Naomie Duckett Zamor, qui est vigie de la diversité et de l’inclusion et gestionnaire des réseaux sociaux au MC, a qualifié de « ouï-dire » l’information selon laquelle on lui aurait souligné que le quorum minimum était régulièrement dépassé dans les assemblés générales et a ajouté qu’elle ne se souvenait pas que des exécutant-e-s lui ait donné cette information lors des entrevues.


Autre fait intéressant, la professeure en science politique à l’Université de Montréal, Pascale Dufour, aurait également vu ses propos détournés dans ce même article. En effet, le MC avait repris les mots de madame Dufour en disant que : « l’utilisation récurrente d’un même moyen de pression demande une créativité si on veut qu’il continue à attirer l’attention. »[6] Cependant, Pascale Dufour nous a confié par courriel qu’elle parlait « des répertoires d’action des mouvements sociaux en général dans les pays occidentaux, en prenant l’exemple des manifestations, qui se sont progressivement enrichies d’éléments pour essayer d’attirer l’attention médiatique : des marionnettes géantes; des flash mob au sein de la manifestation, etc… je ne parlais pas de la manifestation précise organisée par les étudiants de l’UQAM et encore moins du conflit Israël-Palestine (qui n’a pas été évoqué) ». Pour la professeure, « [cela] m’a semblé clair au fur et à mesure que l’entrevue se déroulait que le journaliste voulait questionner le fonctionnement de la démocratie étudiante (ce qui est tout à fait légitime), mais qu’il avait une idée relativement claire de ce qu’une association étudiante devait faire et ne pas faire (et notamment ne pas s’occuper de sujets externes à l’Université, ce qui est beaucoup plus problématique pour un journaliste qui veut réfléchir à cette question du rôle des associations étudiantes, parce que c’est une position normative) ».

Noémie Duckett Zamor aurait refusé de commenter la préoccupation de Pascale Dufour sur la position normative. Interrogé à ce sujet, Philémon La Frenière-Prémont, rédacteur en chef du Montréal Campus, affirme quant à lui que c’est aussi un « ouï-dire » et que madame Dufour ne leur a jamais communiqué cette critique. Il a également affirmé que l’article de Naomie et Charles « est très rigoureux journalistique[ment] avec aucune erreur de fait ».

Toutefois, ce type d’erreur va à l'encontre du guide des normes et pratiques journalistiques que le MC utilise. En effet, selon la journaliste du MC, Justine Bertrand qui tient l’information de ses chef-fe-s de pupitres Justin Vaillancourt et Noémie Laplante, le MC utilise le guide Normes et pratiques journalistiques[7] de Radio-Canada. Dans ce guide, il y a le principe d’intégrité qui veut que « l’information [soit] véridique, sans déformation visant à justifier une conclusion particulière »[8]. Il y a également le principe de l’exactitude, qui veut que « l’information [soit] fidèle à la réalité, en aucune façon fausse ou trompeuse. Cela exige non seulement une recherche attentive et complète, mais une langue châtiée et des techniques de présentation sûres, y compris pour les éléments visuels »[9].

 

Cependant, en parcourant les articles du MC, nous constatons plusieurs manquements à ces deux principes. Par exemple, dans l’un de leurs articles, « L’argent des étudiant(e)s s’envolent pour Atlanta »[10], écrit par Noémie Duckett Zamor et Aurélie Lachapelle, on mentionne que « La CLAC regroupe des organisations universitaires comme le GRIP-UQAM »[11], ce qui est faux[12]. C’est plutôt le comité d’Éducation populaire de la CLAC qui est un comité du GRIP-UQAM (même si ce dernier fonctionne de manière non-hiérarchique). Autre exemple, dans l’article « L’AFESPED en campagne référendaire » de Justine Bertrand, il est écrit : « L’AFESPED encadre quatre associations modulaires [...]. Si le “non” remporte le référendum, ou si le quorum n’est pas atteint, ces associations se gèreront seules »[13], ce qui est également faux, puisque l’AFESPED ne gère pas et n’encadre pas les associations modulaires.

 

Justine a refusé de répondre à ma demande d’entrevue concernant l’erreur dans son article. Elle m'a redirigé vers Philémon La Frenière-Prémont qui lors de l’entrevue m’a dévoilé « Je t’avertis [...] Naomie a répondu à tes questions, mais les autres on les a avertis, pour ce qui est de représenter le Montréal Campus dans les médias, c’est à moi qu’il faut qu’ils parlent ». Naomie m’a souligné que pour le texte sur Atlanta : « on n’a pas vraiment eu de gens qui nous ont répondu. Nous, on a fait le mieux qu’on pouvait avec les informations disponibles au grand public ». Toutefois, en nous rendant sur le  site web[14] du Groupe de Recherche d’Intérêt Public du Québec à l’Université du Québec à Montréal (GRIP-UQAM), en cliquant sur l’onglet Comités, puis sur Éducation populaire, nous arrivons sur le site web de la CLAC. Cette information était donc accessible « au grand public » à partir du site web. Naomie n'a pas su m’expliquer comment est survenue cette erreur.

 

En questionnant Philémon La Frenière-Prémont pour savoir si tous les collaborateurs et collaboratrices doivent obligatoirement lire le guide journalistique de Radio-Canada, il me répond : « Les collaborateurs et collaboratrices ont tous un cours à la deuxième session [au baccalauréat en journalisme]. À ce point-ci [iels] le connaissent », mais « dans tous les cas, si c’est leur premier article, et qu’ils n’ont pas lu le guide encore, nous on a notre propre guide au Montréal Campus qui résume pas mal ces choses-là, et qu’on envoie dès que la personne prend un sujet pour la première fois. »[15] Cependant, lorsque j’ai demandé à avoir accès au guide, il m'a répondu : « Je vais être honnête avec toi, je ne serais pas à l’aise à ce que tu aies la main là-dessus ». Le refus de partager ce document est particulièrement intéressant lorsqu’on considère les reproches que le MC fait aux associations étudiantes. En effet, la directrice de l’information au MC, Sophie Mediavilla-Rivard, remarque que « c’est quand même très imperméable les statuts et règlements des associations [étudiantes] » et qu’il est parfois difficile d’avoir accès aux statuts et règlements des associations étudiantes (et ce malgré que toutes les associations facultaires de l'UQAM aient leurs statuts et règlements sur leur site internet), alors que les statuts et règlements et le budget du Montréal Campus ne sont pas sur leur propre site internet. Ce qui rend difficile de connaître le processus de correction et de révision des faits du MC.

 

Le rédacteur en chef a justement justifié la restriction d’accès au guide en invoquant leurs statuts et règlements qui interdisent de partager ce document aux personnes non collaboratrices, mais impossibles d’avoir accès à leurs statuts et règlements. J’ai toutefois réussi à mettre la main sur leur guide qui, contrairement à ce qu'affirme Philémon, ne résume pas le guide de Radio-Canada.




Comme nous pouvons le voir avec la table des matières, aucune section n’est consacrée à l’éthique ou ce qui est acceptable ou pas en tant que journaliste. Toutefois, le collaborateur, qui a préféré rester anonyme, avait reçu, en plus du guide des collaborateurs et collaboratrices, un guide de l’écriture inclusive, mais à aucun moment l'étudiant n’a reçu le guide de Radio-Canada. À noter qu’il n’est indiqué nulle part dans le guide que ce dernier est réservé exclusivement aux collaborateurs et collaboratrices du MC.

 

Naomie Duckett Zamor nous explique également que le MC a trois à quatre stades de relecture des articles. Également, le Montréal Campus n’aurait aucune ligne éditoriale précise selon Naomie, Sophie et Philémon, mais le MC aurait refusé de publier le texte du membre du conseil d'administration de l’UQAM représentant les étudiant-e-s, Antoine Martin, qui avait rédigé un article[16] en réponse à « Outil démocratique ou machine à grève » où il apportait des nuances aux propos de Naomie Duckett Zamor et Charles Séguin. Sophie et Philémon tiennent toutefois à souligner qu’iels sont garant-e-s des erreurs que les journalistes du MC font.

 

Malgré ma demande, le Montréal Campus refuse de rendre publics leur budget et leur Statut et règlement.

 

 

 

 

[2] Sophie Mediavilla-Rivard et Philémon La Frenière-Prémont « De rien, camarades », Montréal Campus, 3 avril 2024, https://web.archive.org/web/20240407220727/https://montrealcampus.ca/2024/04/04/de-rien-camarades/

[3] Naomie Duckett Zamor et Charles Séguin, « Outil démocratique ou machine à grève ? », Montréal Campus, 1 décembre 2023, https://montrealcampus.ca/2023/12/01/outil-democratique-ou-machine-a-greve/

[4] ADEESE, « Procès-verbal de l’assemblée générale de l’ADESSE du 2023-11-27 », 27 novembre 2023, http://www.adeese.org/wp-content/uploads/2023-11-27_PV-AG.pdf

[5] ADESSE, « Procès-verbal de l’assemblée générale de l’ADESSE du 2022-11-23 », 23 novembre 2022,  http://www.adeese.org/wp-content/uploads/pv_ag_2022-11-23.pdf

[6] Naomie Duckett Zamor et Charles Séguin, « Outil démocratique ou machine à grève ? », Montréal Campus, 1 décembre 2023, https://montrealcampus.ca/2023/12/01/outil-democratique-ou-machine-a-greve/

[8] Ibid., p. 28.

[9] Idem.

[10] Noémie Duckett Zamor et Aurélie Lachapelle, « L’argent des étudiant(e)s s’envolent pour Atlanta », Montréal Campus, 3 avril 2024, p. 9. https://montrealcampus.ca/wpcontent/uploads/2024/04/PROOF___MTLCAM_0204-3.pdf.

[11] Ibid., p.9.

[12] Un erratum aurait été fait et l’article en ligne aurait été changé pour rectifier l’erreur.

[13] Justine Bertrand, « L’AFESPED en campagne référendaire », Montréal Campus, 26 mars 2024, https://montrealcampus.ca/2024/03/26/lafesped-en-campagne-referendaire/.

[15] À noter que le Montréal Campus accepte des textes d’étudiant.e.s qui ne sont pas en journalisme.

[16] Antoine Martin, « Réponse à "Outil démocratique ou machine à grève" », Union Libre, 6 décembre 2023, https://www.unionlibre.net/post/reponse-a-outil-democratique-ou-machine-a-greve.


 

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Sources

 

ADEESE, « Procès-verbal de l’assemblée générale de l’ADEESE du 2023-11-27 », 27 novembre 2023, http://www.adeese.org/wp-content/uploads/2023-11-27_PV-AG.pdf

 

ADEESE, « Procès-verbal de l’assemblée générale de l’ADEESE du 2022-11-23 », 23 novembre 2022,  http://www.adeese.org/wp-content/uploads/pv_ag_2022-11-23.pdf

 

Antoine Martin, « Réponse à "Outil démocratique ou machine à grève" », Union Libre, 6 décembre 2023, https://www.unionlibre.net/post/reponse-a-outil-democratique-ou-machine-a-greve.

 

Justine Bertrand, « L’AFESPED en campagne référendaire », Montréal Campus, 26 mars 2024, https://montrealcampus.ca/2024/03/26/lafesped-en-campagne-referendaire/.

 

L’équipe du Montréal Campus, « Édition papier, 1er décembre 2023 », Montréal Campus, 1 décembre 2023, https://montrealcampus.ca/wp-content/uploads/2024/02/maquette-montrealcampus-2023.pdf

 

L’équipe du Montréal Campus, « Édition papier, 3 avril 2024 », Montréal Campus, 3 avril 2024, https://montrealcampus.ca/wp-content/uploads/2024/04/PROOF___MTLCAM_0204-3.pdf

 

Noémie Duckett Zamor et Aurélie Lachapelle, « L’argent des étudiant(e)s s’envolent pour Atlanta », Montréal Campus, 3 avril 2024, p. 9. https://montrealcampus.ca/wp-content/uploads/2024/04/PROOF___MTLCAM_0204-3.pdf.

 

Naomie Duckett Zamor et Charles Séguin, « Outil démocratique ou machine à grève ? », Montréal Campus, 1 décembre 2023, https://montrealcampus.ca/2023/12/01/outil-democratique-ou-machine-a-greve/

 

Sophie Mediavilla-Rivard et Philémon La Frenière-Prémont « De rien, camarades », 3 avril 2024, Montréal Campus, https://montrealcampus.ca/2024/04/04/de-rien-camarades/

 

 

 

 

Crédit pour le tableau : « Quorums pour les grèves de moins de 3 jours » à Infographie Montréal Campus.

 

Crédit pour les photos des assemblées générales de grève de novembre 2022 à l’ADEESE. Tiré de leur publication Facebook du 24 novembre 2022. https://www.facebook.com/share/p/EobwAxtNsfk14HnT/?.

3 комментария


Xavier Barrette
Xavier Barrette
05 сент.

Quelle éloquence, j’en suis bouche bée

Лайк

Stephanie Hebert
Stephanie Hebert
09 апр.

moi je dis “slay” au vrai journalisme étudiant !

Лайк
Remi Grenier
Remi Grenier
09 апр.
Ответ пользователю

Slay

Лайк
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