Le projet souverainiste québécois, longtemps débattu au cœur des enjeux politiques de la Belle Province, suscite des opinions divergentes quant à son essence et à ses implications. Certains voient en cette quête d’indépendance une légitime revendication identitaire, un désir profond de donner la liberté politique au peuple québécois. Cependant, la vérité est tout autre. Le souverainisme, loin d’être un simple instrument d’affirmation nationale, dissimule des dynamiques colonisatrices à l’encontre de ceux qui ne correspondent pas aux contours prédéfinis de la nation québécoise tout en ne donnant pas un véritable contrôle au peuple québécois sur son avenir.
Tout d’abord, on assiste au sein du mouvement souverainiste à une radicalisation sur l’enjeu des communautés culturelles depuis la supposée crise des accommodements raisonnables. Bref, le mouvement souverainiste a arrêté d’adopter une position d’ouverture sur le monde et adopte maintenant une position conservatrice où on défend les valeurs d’une majorité historique francophone. Ces valeurs représentent la nation québécoise dans son imaginaire. Ceci a engendré une attitude hostile envers tous ceux qui ne sont pas dans cet imaginaire de la nation québécoise. Cette dynamique s’analyse sur le plan politique. On peut parler de la charte des valeurs proposée par le Parti Québécois (PQ) en 2013 et de la loi 21 proposée par la Coalition Avenir Québec(CAQ) en 2019, loi où le PQ a voté en faveur. Parlons aussi de la normalisation des idées haineuses au sein du PQ. Cette normalisation entraîne des conséquences importantes, telles que le rapprochement d’un membre du Rassemblement national (RN), parti d’extrême droite français, lors du dernier congrès de leur aile jeunesse.¹ La proximité de rhétorique alarmiste sur la religion déployée à partir de l’imaginaire de la nation québécoise permet un agencement entre les souverainistes québécois et l’extrême droite française.
Le but du concept de la nation québécoise est très similaire à celui qu’on voit chez Trump et son concept de la nation américaine.
Ces deux concepts ont comme but principal de créer des ennemis imaginaires. Dans le contexte américain sous Trump, les ennemis de la nation étaient les immigrants et les personnes « socialistes ».² Dans le contexte du soi-disant Québec, ce sont les personnes issues des minorités religieuses qui restent les victimes majeures de ce concept de nation. Les paniques morales animées par le mouvement souverainiste contribuent à la constitution de cette exclusion. Prenons l’exemple de la panique morale entourant un supposé déclin de la langue française où on reproche aux immigrants de ne pas parler le français. Cependant, la réalité, c’est qu’on panique sur la langue parlée à la maison et sur la langue maternelle.³ Deux variables complètement inutiles pour analyser ce problème, mais très utile pour créer un sentiment de panique morale et de création d’ennemis de la nation.
De plus, on peut reprocher aux souverainistes leur tendance à jouer la narrative du « colonisé ». Cela se traduit par une rhétorique imaginaire ou le peuple québécois est positionné comme éternel coloniser, dissimulant le dynamisme de rapports de pouvoir colonial. Cependant, mais cela peut rester vrai, il reste tout de même que ce narratif soit surtout utilisé pour balayer toute critique envers ceux qui seraient contre que la nation québécoise du « Maitre chez nous ». La conséquence de ce narratif est qu’elle balaye aussi l’existence des peuples autochtones et donc au lieu d’être des simples colons, les Québécois furent des colons colonisés.
On ne peut critiquer le mouvement souverainiste sans aborder son attitude avec les peuples autochtones. Tout d’abord, le mouvement oubliait au début de la Révolution tranquille, les populations autochtones⁴. Aujourd’hui, on aime mieux les instrumentaliser par la tokenisation en mettant en lumière quelques autochtones souverainistes et faire croire qu’ils sont du bord du souverainisme. De plus, on peut ajouter l’hypocrisie des souverainistes quant à l’écoute des revendications autochtones en matière de souveraineté. Ça veut être souverain, mais quand il s’agit des Premières Nations. On donne des concessions qui sont extrêmement insuffisantes et souvent floues.
De plus, on ne peut rester indifférent devant l’effacement du génocide autochtone de la part des souverainistes. Et même là, on peut considérer que le Québec, tout comme le Canada, fut construit sur la base du génocide autochtone. On peut ajouter que les souverainistes continuent de perpétuer des oppressions coloniales avec leur collaboration au déracinement culturel et linguistique des autochtones en leur imposant une supposée langue de résistance. Pour conclure, on peut avouer que les souverainistes se sont approprié le véritable sens du mot « souveraineté ». Tandis que leur souveraineté perpétue les dimensions coloniales et oppressives, on pourrait aujourd’hui commencer à dire que la véritable souveraineté est une souveraineté où le peuple sera libre de la prison capitaliste, oppressive et pour certains, coloniale. #lisezdaliegiroux
¹ Le Troupeau de petits Elon, « Pour éviter la “polarisation”, il faut aussi dénoncer les militants du @CNJPQ à l’interne qui invite un militant d’extrême droite qui parle de “grand remplacement” et qui veut faire des “ponts” avec le @partiquebecois… », dans X (formerly Twitter), 25 janvier 2024, en ligne.
² Chiara Bottici, « Dans les méandres de la psychologie de masse : la mythologie politique du trumpisme », Recherches en psychanalyse, vol. 32, no 2, trad. Véronique Bonhoure, Laboratoire CRPMS, Université de Paris, 2021, p. 9— 36, en ligne.
³ Dave Noël et Laurianne Croteau, « Le déclin du français en quatre graphiques », Le Devoir, section Société, 2 décembre 2022, en ligne.
⁴ Dalie Giroux, L’Oeil du Maitre : Figures de l’imaginaire colonial québécois, Québec, Mémoire d’Encrier, 2020, p. 41.
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