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Poignée de main par Midjourney
Poignée de main par Midjourney

Ces derniers temps, avec l’essor des intelligences artificielles (IA), un vent de panique semble s’être mystérieusement levé sur plusieurs associations étudiantes. Comme si les IA n’avaient jamais existé avant la création de ChatGPT et Midjourney et que maintenant il faudrait absolument faire attention à ce voleur de propriété intellectuelle qui mettrait au chômage tous les artistes du quotidiens.


Bien qu’on a l’impression d’être dans les années 80-90 où internet allait voler nos emplois, il est important de prendre tout de même du recul sur la situation concernant les IA. À ce propos, l’Association facultaire des étudiant-e-s des sciences humaines de l’Université du Québec à Montréal (AFESH) a, lors de son assemblée générale du 21 septembre 2023, adopté ce mandat :

  1. Considérant la définition de l’intelligence artificielle comme la technologie de l’information qui exécute des tâches pour lesquelles il faut habituellement faire appel à l’intelligence biologique, comme comprendre le langage parlé, apprendre des comportements ou résoudre des problèmes;

  2. Considérant la définition que l’intelligence artificielle générative est un type d’IA qui produit du contenu comme du texte, de l’audio, du code, des vidéos et des images, produit sur la base des informations saisies par l’utilisateur, qui consistent généralement en des messages-guides;

  3. Considérant la valeur intrinsèque de l’art;

  4. Considérant la place historique de l’art dans l’histoire des luttes sociales et étudiantes, à la fois au niveau local et plus large;

  5. Considérant que l’utilisation grandissante de l’intelligence artificielle pose un danger potentiel causant de la précarité chez les travailleur-e-s déjà précaires, principalement dans les domaines touchant les sciences humaines et artistiques;

  6. Considérant que l’art par outil génératif est utilisé par de nombreuses corporations afin de sous-payer leurs travailleur.e.s et de brimer leurs droits;

  7. Considérant que l’intelligence artificielle prend de plus en plus de place dans les institutions d’enseignement et les groupes politiques;

  8. Considérant que la CRUES ait invité ses associations membres à se positionner par rapport à l’utilisation de l’intelligence artificielle;

  9. Considérant les dangers apportés par le deep-fake (superposition de contenus fait grâce à l’intelligence artificielle) tant d’un point de vue sociétal que personnel;

  10. Considérant que les bases de données utilisées pour l’art généré par intelligence artificielle utilisent souvent des images prises sans consentement éclairé de la part des artistes;

  11. Considérant que l’intelligence artificielle a une explicabilité limitée quant à son raisonnement et a un manque de transparence quant à son apprentissage, et que le peu d’informations connues ne correspond pas aux positionnements politique déjà établis;

  12. Considérant que l’utilisation de systèmes d’IA génératif peut avoir des coûts environnementaux significatifs;

  13. QUE l’AFESH se positionne publiquement contre le contenu créé par intelligence artificielle [...] [et] refuse l’utilisation de l’intelligence artificielle générative dans ses instances [...] [et] invite les groupes avec qui elle collabore de prendre une position similaire par rapport aux contenus générés par intelligence artificielle.


Cette proposition, à travers les « considérant » 3 à 6 et le 10, avance l’idée que les IA contribuent à la précarité des artistes. Effectivement, les IA génératrices volent les œuvres de plusieurs artistes pour constituer des bases de données qui, par la suite, généreront des illustrations uniques selon la demande faite par la personne utilisatrice du logiciel. Cependant, ce qui porte le plus préjudice aux artistes est qu’une IA peut générer des œuvres selon le style d’un artiste précis. Par exemple demander à une IA « un dessin de chien comme “Sarah Andersen” ou une image de nymphe façon “Karla Ortiz” »¹ ce qui implique que les artistes se font voler de potentiels contrats de graphisme. Les artistes passent donc des années à développer un style et des techniques propres pour au final se faire usurper ce qui les rend uniques aux yeux de leurs client-e-s par une IA qui peut produire des résultats similaires en quelques secondes. Ajoutons à cela que les artistes ne consentent pas à cette utilisation de leurs œuvres et donc on peut y voir une forme de vol « intellectuel ». De plus, puisque les entreprises ont économiquement avantage à utiliser les IA pour des projets artistiques puisque les IA sont rapides, à faible coût et disponible en tout temps contrairement à la main-d’œuvre « vivante ». Le choix est donc vite fait pour les entreprises dans notre société capitaliste. Il nous semble donc une très bonne idée de la part des membres de l’AFESH de dénoncer la situation. Toutefois, en regardant le « QUE » qui, comme nous l’avons dit plus haut, guiderait les actions de l’AFESH, la proposition n’arrange pas vraiment la situation des artistes.


Le fait que l’AFESH ait choisi de refuser « l’utilisation de l’intelligence artificielle générative dans ses instances » n’aide en rien à la situation de précarité des artistes puisque les artistes militant-e-s dans les associations étudiantes sont déjà que très rarement rémunérés.


Le fait d’adopter cette position sans se positionner sur une rémunération pour les artistes fait juste en sorte que les artistes bénévoles des instances de l’AFESH ne peuvent pas utiliser d’IA pour alléger leur travail gratuit.


La situation en devient même ridicule lorsqu’on se rend compte que déjà plusieurs artistes utilisent déjà l’intelligence artificielle générative pour des références, inspirations et bien d’autres ; plus largement les logiciels de conception graphique qui intègre de plus en plus les IA dans leurs logiciels. Dans cette même lignée, l’AFESH « invite les groupes avec qui elle collabore » à adopter des mandats qui vont dans le même sens qu’eux et donc encourage la non-utilisation des IA auprès des autres associations étudiantes ou groupes de l’UQAM. Justement, l’AFESH collabore avec des associations étudiantes et des groupes à l’extérieur de l’UQAM, notamment via la Coalition de résistance pour une unité étudiante et syndicale (CRUES). La CRUES regroupe actuellement sept associations étudiantes. L’une de ces associations est DSU (Dawson Student Union), qui est une association étudiante anglophone. Ce qui implique que les documents et communications de la CRUES doivent être traduits. Puisque la tâche est assez colossale et que toute personne s’impliquant dans les instances de la CRUES ne peut recevoir de compensation financière comme le veulent ses règlements, il est naturel que les étudiant-e-s non rémunérés dans la CRUES utilisent l’IA pour la traduction. Ainsi, l’AFESH devrait théoriquement se positionner contre selon leur mandat. Concrètement, qu’est-ce que ça implique ? Cela veut dire, que toute personne bénévolement ou non dans une instance de la CRUES, ou tous groupes ou associations collaborants avec la CRUES ou l’AFESH, devrait aux yeux de l’AFESH, augmenter sa charge de travail en évitant d’utiliser les IA pour lutter contre la précarité des artistes. Ce qui est quand même paradoxal pour des artistes étudiant-e-s précaires qui feront du graphisme pour la CRUES ou l’AFESH sans rémunération avec une charge de travail qui pourrait être allégée par les IA. Il est important de spécifier qu’à ce jour la CRUES n’a aucun positionnement officiel sur les IA ; cela implique que l’AFESH pourrait refuser le travail ou le matériel de mobilisation de la CRUES si, dans le processus, l’IA a été utilisée.


Le problème dans la proposition de l’AFESH est qu’elle utilise parfois le terme IA et le terme IA générative comme si elles étaient identiques, ce qui rend la proposition floue sur ce qui est permis ou pas. Ce qui peut rendre l’application de ce mandat hasardeux. Par exemple, est-ce que l’AFESH accepterait un visuel où un artiste a utilisé une IA générative pour faire le croquis de son œuvre finale ou comme référence ? Est-ce que l’AFESH peut vraiment parler de précarité des artistes alors qu’elle ne rémunère même pas leurs propres graphismes sauf en cas d’exception ? L’application du mandat est trop large ou peu réaliste concrètement et laisse donc trop place à l’interprétation et le bon vouloir de l’exécutif de l’AFESH.


En effet, mélanger les argumentaires des dangers des IA et des IA génératives et de l’utilisation des deux termes dans la proposition montre une forme de déconnexion avec la réalité des artistes qui utilisent déjà depuis longtemps les IA et commence graduellement à utiliser les IA génératives.


Bien que les membres de l’AFESH aient grandement raison de dénoncer les dangers des IA notamment avec les « dangers apportés par le deep-fake », tout n’est pas à jeter dans les IA. Une bonne proposition aurait dû inclure selon moi, une proposition sur la rémunération des artistes avec des politiques encadrant cette rémunération pour éviter les détournements de fonds (par exemple, ne jamais faire d’appel d’offres et toujours rémunérer les ami-e-s des exécutifs), encourager la valorisation du travail des artistes par rapport au IA, une distinction claire sur ce qui est permis dans les instances de l’AFESH ainsi que comment l’appliquer sans trop être restrictif envers les groupes et associations étudiantes avec qui elle collabore. Le journal de la CRUES, Le Débordement, a notamment adopté à l’interne une proposition intéressante au sujet des intelligences artificielles. Elle se lit comme suit :


Que le comité journal prenne position pour une utilisation critique des intelligences artificielles lors de la création de contenu de toute forme ;

Qu’il soit indiqué par les créateur-ices que l’IA a été utilisée dans le processus de création si c’est le cas, ainsi que la nature de l’utilisation dans une description succincte.


Cette proposition est intéressante, car prendre position sur les IA génératives ou pas est une position purement symbolique, car il est impossible matériellement pour des associations étudiantes ou des instances de la CRUES de vérifier chaque texte, chaque illustration si les IA ont été utilisées. De plus, les IA ont également un énorme potentiel d’inclusivité. En effet, des IA génératives pourraient être utilisées pour faire lire des textes militant à des étudiant-e-s qui ont des difficultés visuelles ou d’apprentissage. Avoir une position critique sur les IA encourage la transparence, mais permet aussi de ne pas tout jeter des IA.


J’aimerais malgré tout souligner l’initiative de l’AFESH, d’avoir ouvert ce débat.


Une intelligence artificielle qui vole le travail des artistes par Midjourney


¹ Agence France-Presse, « Les artistes font front contre l’intelligence artificielle », Radio-Canada, section Zone Arts, Radio-Canada.ca, 27 mars 2023.

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