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La souveraineté en marketing d’identité

  • Deano, CorpoYeet et une ancienne souverainiste
  • il y a 4 jours
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Deano, CorpoYeet et une ancienne souverainiste 


Le 30 octobre dernier, le comité souverainiste de l’UQAM a réalisé une mise en scène référendaire malaisante, sous le couvert d’une démocratie de couloir. En effet, le comité souverainiste de l’UQAM s’est exclamé de sa victoire d’une simulation référendaire avec un taux de participation « impressionnant » de 1,7 %. Ces souverainistes, avec leurs urnes métalliques accompagnées de pancartes « OUI », disant « t’inquète t’as le droit de voter NON aussi » sont assez désespérants. 


Tant qu’à perdre son temps au travers des murs laids de l’UQAM pour une simulation de référendum fais-le au moins avec un semblant de neutralité. Scander cette victoire c’est l’équivalent d’une mise en scène où tout le monde connaît déjà la fin, mais où on se félicite quand même d’avoir « fait vivre la démocratie ». Malheureusement, à force de transformer la politique en théâtre, on finit par confondre conviction et performance et l’UQAM devient juste une autre salle de répétition pour les vieilles passions nationales mal digérées.


Le piège d’un souverainisme dépolitisé

Ce moment gênant n’est toutefois pas étonnant, mais révélateur considérant comment la jeunesse de gauche souverainiste est en train de tomber dans le piège d’un mouvement indépendantiste soi-disant neutre avec un reflux gastrique d’ethnonationalisme incestueux et co-morbide des sphères politiques et médiatiques. Cette dépolitisation presque assumée des enjeux d’émancipations combinée à un discours décolonial performatif, ça accouche d’un monstre politique grotesque : un mouvement qui se dit « ni de gauche ni de droite », mais qui, dans les faits, scie la branche sur laquelle la gauche est assise. 


Sous couvert d’ouverture qui s’apparente davantage à un « indépendance first », le mouvement souverainiste québécois actuel transforme des mots comme « mouvement inclusif » en stickers collés sur un projet sans colonne vertébrale. 


En effet, ce prétendu dépassement des clivages est visiblement une manière de créer un refuge pour les tièdes qui veulent se sentir radicaux sans rien risquer. Il est donc regrettable de constater qu’à force de storytelling national sucré, on finit par effacer ce qui faisait la force de la gauche : sa capacité à nommer les rapports de domination et à les confronter de front.


Le référendum une impasse politique

Il faut dire que l’idée même d’un référendum reste on ne peut plus questionnable pour la jeunesse de gauche étant donné sa finalité. En effet, le référendum ne mènera aucunement à un changement radical de notre société. On prétend parler d’indépendance et d’autodétermination, mais on en reste sur une mise en scène institutionnelle, calibrée pour ne surtout pas dépasser le cadre imposé, ce qui est incompatible avec une véritable transformation sociale que recherche la gauche. Parce que l’État reste vecteur central des oppressions et que le référendum ne remet en cause ni ses structures ni ses logiques, mais se contente de changer les personnes qui exercent le pouvoir, donnant l’illusion d’une transformation tout en préservant les mécanismes mêmes qui reproduisent les inégalités et la domination.


De plus, la non-remise en question de l’injonction de passer par un parti politique, en l’occurrence le Parti Québécois (PQ), pour mener au référendum, révèle un mouvement qui a troqué l’émancipation réelle pour une gestion purement symbolique. Ce choix montre une dépendance aux cadres institutionnels existants plutôt qu’une capacité à imaginer des formes d’action autonome et radicale. Or, le PQ est largement déconnecté des réalités et des conditions de vie des classes populaires et des travailleuses et travailleurs. Ses politiques historiques ont souvent renforcé les inégalités et excluent les minorités. Par ailleurs, le parti continue d’entretenir et d’exploiter des sentiments xénophobes et ethnonationalistes pour consolider sa base électorale, reproduisant ainsi des hiérarchies sociales et culturelles problématiques. En s’inscrivant dans cette logique référendaire, même de manière critique, la jeunesse souverainiste de gauche risque de légitimer et de reproduire des structures et des discours qui sont exactement contraires aux idéaux d’émancipation, de justice sociale et d’inclusion.


De plus, peu importe si certain-e-s souverainistes rejettent les positions du PQ ou appuient un autre parti indépendantiste. En misant sur sa stratégie référendaire, iels lui servent objectivement de relais, offrant dangereusement du carburant politique. Tout simplement parce que le PQ reste la figure hégémonique, symbolique et centrale du projet de souveraineté québécoise. Aujourd’hui, faire la promotion de la stratégie référendaire renforce ce parti dont les discours vont à l’encontre de nos luttes entant que jeunesse et celles portées par la gauche, c’est-à-dire l’antifascisme, l’antiracisme, le décolonialisme, le féminisme et bien d’autres.


Pour une rupture réelle

En fin de compte, cette pseudo-expérience démocratique, qui fait l’effet d’un laxatif, n’aura été que le reflet d’un mouvement qui confond radicalité et nostalgie et qui a oublié que l’indépendance n’a de sens que si elle s’accompagne d’une transformation sociale réelle et en profondeur. Notamment en prenant pour cible les piliers mêmes de l’oppression tels que le racisme, le capitalisme, et la construction du genre. 


Un référendum de corridor ou même national n’est pas un geste d’émancipation, c’est un écho creux, un folklore politique ressuscité qui a été, ce 30 octobre, simulé dans les murs d’une université qui mérite mieux que de servir de décor à une parodie d’émancipation. 


Ce n’est pas d’un changement d’un palier gouvernemental dont le Québec a besoin, mais d’un projet collectif qui ose rompre avec les logiques de domination cishétéropatriarcal, capitaliste et coloniale. Tant que la jeunesse de gauche se laissera happer par le vernis bleu poudre d’un nationalisme « progressiste » dépolitisé, elle participera malgré elle à sa propre disparition. La souveraineté, sans justice sociale, sans antifascisme réel et sans lutte contre le racisme systémique, n’est qu’un simulacre, un costume de révolution porté par celleux qui ont depuis longtemps renoncé à la révolte.


Une « souveraineté » digne de ce nom ne se mesure pas à un vote ou à un costume de révolution, mais à notre capacité à construire des rapports de force et des espaces de vie réellement émancipateurs. C’est dans ces luttes quotidiennes, tangibles et collectives que la jeunesse de gauche peut inventer un avenir réellement libérateur. Plutôt que de concentrer l’énergie dans un référendum, cette vitalité pourrait être réinvestie dans des luttes collectives et concrètes, là où elle peut produire un réel changement radical.


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