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Pour que dans un Québec Libre…

  • Anonyme
  • il y a 3 jours
  • 4 min de lecture
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Texte annonyme


Malgré les désaccords que j’entretiens avec plusieurs camarades ayant récemment fait paraître divers textes dans les journaux étudiants de l’UQAM, notamment le texte paru le 26 novembre, je ne peux que me réjouir de voir la multiplication des discussions sur l’indépendantisme. Après tout, il s’agit d’un sujet à débattre, d’un projet avec ses angles morts, comme tout autre, qui vaut la peine de prendre un espace dans le débat public. Ce texte ne vise pas qu’à défendre l’indépendantisme face à une partie de la gauche qui, malgré ses critiques pertinentes, entretient le statu quo fédéral.


Ce texte vise d’abord à rendre explicite la potentialité positive et rassembleuse, non pas d’une identité nationale, mais bien de la lutte indépendantiste en tant que lutte de rupture. Évidemment, il y a un risque de dérive nationaliste dans le mouvement indépendantiste. Le nationalisme ethnique, l’impérialisme, et même le fascisme s’incarnent dans des rapports de domination, des pratiques et des dispositifs matériels. En leur essence, ils prennent souvent la forme d’une émotion attisée par les voix de l'extrême droite pour les engendrer. Malheureusement, les passions ne s’écroulent pas qu’avec des mots. C’est alors notre devoir, en tant que socialistes, mais aussi et surtout en tant qu’êtres humains, de comprendre quelle forme revêt l’hégémonie et comment s’incarnent ses structures au sein de l’espace canadien.


L’hégémonie canadienne


Entendue dans son sens le plus courant, l’hégémonie est l’attribut qui donne aux structures de domination son vernis d’invincibilité. Si l’on prend pour exemple le patriarcat, l’hégémonie s’impose par la société politique, par la force, à travers les contraintes exercées sur les groupes minorisés; souvent des femmes, des personnes racisées ou des personnes queers. Mais aussi, par la société civile, c’est-à-dire, par le consentement de ceux qui en tirent moindrement avantage; dans ce cas-ci, il s’agit surtout des hommes blancs cisgenres hétéronormatifs qui vivent dans le privilège sans le remettre en question. Les hégémonies peuvent toutefois être bien plus locales. 


Cette hégémonie, c’est précisément ce qui donne au capitalisme son aspect indétrônable – rappelons-nous la phrase de Mark Fisher « Il est plus facile d’imaginer une fin du monde que celle du capitalisme » (traduction libre). Cette même hégémonie est celle qui permet de garder le pouvoir fédéral en place non seulement avec une police fédérale, servant notamment à réprimer les luttes autochtones, mais aussi et surtout en réchauffant les mêmes arguments économiques de peur depuis le référendum de 1980 pour fabriquer le consentement des populations privilégiées en leur faisant croire que sans la « tutelle » fédérale, l’économie québécoise s’écroulerait sous le poids du marché mondial. 


En somme, l’hégémonie canadienne fonctionne exactement comme les autres formes de domination : en combinant la contrainte institutionnelle et la fabrication du consentement, elle parvient à maintenir l’ordre établi. En s’appuyant à la fois sur les appareils fédéraux coercitifs et sur des récits économiques fatalistes intériorisés par les groupes privilégiés, elle parvient à se présenter comme la voie à suivre, nécessaire et indépassable. 


Une résistance hégémonique


Mais quelle est l’utilité de discuter d’hégémonie pour revendiquer l’indépendance? C’est parce que si le pouvoir est hégémonique, les résistances contre ce dernier peuvent aussi l’être. Non seulement elles peuvent, mais elles doivent l’être. 


Ces dernières années, le très fort potentiel contre-hégémonique de la lutte indépendantiste s’est fait de plus en plus clair. Il nous faut simplement regarder ce qui se produit dans la société civile indépendantiste. Les « OUI Québec » rallient de toutes les générations et de toutes les origines, mais, en plus de cela, leurs évènements rejoignent plusieurs luttes de libération. Qu’il s’agisse des Allumettes, le comité féministe des OUI, mais aussi des organismes comme le Parti Marxiste-Léniniste du Québec, le journal République ouvrière, les centrales syndicales et le Mouvement Étudiant Indépendantiste. Des membres de tous ces groupes étaient présents lors des marches du 19 mai et du 25 octobre organisées par les « OUI Québec ». 


Si l’objectif doit être de pluraliser la lutte indépendantiste, c’est parce que plus les revendications sont multiples, plus il est difficile pour un groupe, parlementaire ou civil, de faire une indépendance unitaire. En multipliant les revendications, en solidarisant les luttes et donc en multipliant le nombre des revendicateur-ice-s, il devient de plus en plus difficile pour les institutions de pouvoir d’ignorer les cris des militant-e-s. Si la gauche indépendantiste commence à récupérer le discours ces derniers temps, c’est justement parce qu’elle s’est diversifiée tout en présentant un front uni. Elle a su rester unie face aux affronts fédéraux en environnement. Mais elle s’est aussi opposée en masse aux percées des droites radicales identitaires et des extrêmes droites, par exemple, lors du rassemblement du groupuscule Nouvelle-Alliance le 20 septembre passé. 


Les récentes déclarations des députés libéraux fédéraux, notamment celles de Mélanie Joly, permettent de comprendre que l’indépendantisme brasse la cage. Il y a, dans la lutte pour l’indépendance, le potentiel pour un raz-de-marée assez puissant pour remettre en question l’assentiment docile ou même inconscient fabriqué par le fédéral. Alors, il devient possible de recomposer les rapports de pouvoir en faveur de la multitude habitant actuellement le territoire nommé Québec. Entre l’État pétrolier qu’est le Canada et la possibilité de construire une organisation nouvelle, le choix est simple. Parce qu’à force de chercher sans cesse une révolution parfaite, nous ne faisons que vendre cette dernière, sur un plateau d’argent, à l’État fédéral et ses tendances réactionnaires. 


Ainsi, clamer haut et fort que les bonnes intentions des indépendantistes de gauche vont inexorablement donner forme à un ethno-État est une critique qui repose sur une lecture incomplète du mouvement et qui coupe l’herbe sous le pied d’un potentiel changement social d’envergure. Mais pour que ce changement se fasse, il  est nécessaire de rallier  les  diverses luttes, féministes, anticolonialistes et socialistes pour refonder l’argumentaire afin que la liberté dans un Québec libéré ne soit pas le privilège de la majorité.


Bibliographie


TRÉPANIER, Antoine. « Les libéraux fédéraux attaquent les indépendantistes québécois », La Presse. 18 novembre 2025. https://www.lapresse.ca/actualites/politique/2025-11-18/les-liberaux-federaux-attaquent-les-independantistes-quebecois.php 


VERREAULT, Olivier. « Des manifestants empêchent la tenue d’un événement de la Nouvelle Alliance », L’exemplaire. 30 septembre 2025. https://www.exemplaire.com.ulaval.ca/actualites/des-manifestants-empechent-la-tenue-dun-evenement-de-la-nouvelle-alliance/ 



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